La classe de CM1 dont j’ai la charge est une classe à horaire aménagé musique. Par conséquent un projet pluridisciplinaire doit être conduit en partenariat avec les professeurs de l’école de musique.
Nous avons
décidé de monter un spectacle « la sorcière du placard aux balais »
à partir de l’œuvre de Gripari (conte de la rue Broca) et de celle de Landovski
(opéra bouffe)
Ce projet
nécessite un travail à la fois en :
Lecture :
du conte de Gripari mais aussi d’autres œuvres ayant pour thème « la
sorcière », lecture de chansons…
Pratique orale de la langue :
Activités physiques d’expression, théâtre qui repose sur 3 grandes phases :
La
durée de cette phase dépend du « passé théâtral » des élèves. Ma
classe présente depuis le CE1 un spectacle de mime, chant ou de théâtre. Par
conséquent cette phase de découverte a été assez écourtée et très vite tous
les textes proposés ont été transformés théâtralement.
Si
le passé théâtral est inexistant voici une approche possible : (2 séances)
Je propose aux élèves « La fourmi » de Robert Desnos.
Après une mémorisation sommaire, j’invite les élèves à la réciter. Très vite je m’aperçois que les élèves emploient le même ton et sont en position statique.
Afin de faire émerger un besoin, je leur demande de mettre le ton et de
dire le poème au lieu de le réciter. On voit ainsi apparaître quelques nuances :
étonnement, indifférence, incrédulité.
Je les invite ensuite à essayer de jouer le texte, en inventant
un contexte, en donnant un trait de caractère particulier au personnage (c’est
ce qu’on appelle la charge du personnage et qui pourra être utilisée plus
tard). Voici quelques réponses observées : il peut être timide, enrhumé,
en colère croissante face à l’incrédulité des autres, sûr de lui…
Quelques
tentatives sont faites.
Je
ponctue la séance en donnant un travail pour la prochaine fois :
Je prends ma grille d’observation afin de noter le comportement de
chacun, ce qui va me permettre pour la phase de structuration des techniques
d’apporter des exercices judicieusement choisis qui répondent aux besoins
recensés et différenciés.
Voici
un catalogue de critères retenus :
Quelques
nécessités se font sentir : rôle de l’expression corporelle, position
de la voix. La phase de structuration est présentée pour répondre à un besoin,
elle a du sens pour les élèves.
Cette grille permet de voir l’évolution de chacun, de différencier les approches
et l’accompagnement des séances :
A noter qu’un élève peut être à la fois de niveau 2 et de niveau
a ou de niveau 1 et de niveau b
Les
séances de structuration présentent toutes le même schéma : il s’agit
de travailler à la fois l’espace, le
corps et la voix en insistant plus sur un point que
sur un autre et finir par un petit jeu dramatique qui permet de réinvestir
les techniques travaillées.
La
scène de théâtre doit être délimitée dès le début. Je la présente toujours
comme un lieu magique qui peut suggérer tour à tour une salle d’attente, le
désert, une cabine d’ascenseur… C’est par le jeu du comédien que le spectateur
sait où il se trouve. D’où la nécessité de s’approprier l’espace.
Pou
cela différents exercices peuvent être proposés :
- Visiter un nouvel appartement en faisant deviner les différentes pièces
qu’on visite, faisant part des sensations…
- Les statues : un petit groupe fait les statues et un autre les visiteurs,
puis on change.
- Une journée : Je propose aux élèves de vivre une journée particulière.
Pour commencer ils sont couchés, puis ils suivent les instructions que je
donne. Le souci est de ne pas être caché par un camarade et de ne pas montrer
son dos aux spectateurs. Ils adorent quand je les emmène dans un bateau qui
tangue et que tous doivent tanguer du même côté.
Chaque
jeu dramatique se termine par des échanges des spectateurs qui jouent le rôle
de metteur en scène et proposent ainsi des pistes, des suggestions pour améliorer
le jeu. Lors de ces échanges, il est possible de désigner un secrétaire qui
prend en note ce qui est dit. On change bien sûr à chaque séance.
Se
mouvoir sur scène en échappant à la fameuse pose statique, remarquée au début
de la phase de découverte, ne peut s’acquérir que par la connaissance de son
corps et son contrôle. C’est ainsi que le futur comédien parviendra à maîtriser
ses gestes et ses attitudes.
Je
fais toujours débuter une séance par un petit échauffement corporel qui sollicite
toutes parties du corps.
Ensuite
je propose un travail sur les différentes parties du corps : le visage,
la tête et le cou, les épaules, dos/hanches/abdominaux, jambes/genoux/pieds,
bras,/mains/doigts.
Dès
que les élèves ont bien repris contact avec leur corps, nous jouons
Cet exercice nécessite de faire 2 groupes :
un acteur et un autre observateur afin que des échanges puissent être engagés.
En parallèle de ces exercices, il peut être intéressant de proposer à la
classe la vision de certains films muets : Charlot, le mime Marceau,
les scènes de mime dans « les enfants du paradis »
Lors de la phase de découverte, on s’aperçoit très vite des problèmes rencontrés
par les élèves :
Pour travailler l’articulation tout comme le corps, il faut s’échauffer :
je propose de se frotter le visage comme si on faisait sa toilette, puis on
travaille sur les syllabes. Je trouve que le son « ouin » permet
de « nettoyer » la gorge.
Puis on chuchote, parle, crie des syllabes « bre » - « cre »
- « dre » - « gre » - « fre ».
J’augmente la difficulté avec des phrases de diction bien connues exemple :
le gros grain gris ou les injures du capitaine Haddock
On peut aussi travailler à partir des sketchs de Raymond Devos.
Pour travailler le placement
de la voix, je donne des phrases à dire en variant l’intensité
de la voix (chuchoter/parler/crier).
Ce qui est le plus difficile pour les élèves c’est de prendre conscience du volume de sa voix. Pour aider à cette prise de conscience, je leur propose le jeu du mur. Il s’agit de couper la classe en 2 de sorte que chaque élève soit apparié.
Chacun leur tour, ils disent bonjour à leur camarade placé en face d’eux,
celui-ci doit venir se positionner en fonction de l’intensité de la voix.
Enfin, pour travailler l’intonation, je propose le jeu des « phrases à sentiment ».
Chacun doit piocher une carte sur laquelle une phrase est écrite, et une autre
carte donnant des indications sur la manière de prononcer cette phrase. Les
spectateurs doivent deviner le sentiment pioché.
Il est bien évident que ces phrases et sentiments ont été précédemment inventés
puis écrits par les élèves eux-mêmes.
Je travaille également en lecture expressive sur les groupes de souffle.
Très vite les élèves prennent conscience qu’une bonne mémorisation est nécessaire
pour avoir la meilleure diction possible et par conséquent la meilleure intonation.
Une
fois que le texte est choisi, on travaille dessus.
Dès
le début de l’année nous avons lu « la sorcière du placard aux balais ».
Les personnages :
Un
travail a été mené sur les personnages et la narration. En effet le personnage
de Monsieur Pierre est assez particulier puisqu’il est à la fois un narrateur
mais aussi un acteur.
En
surlignant dans le texte, nous avons repéré ce que chaque personnage disait.
Puis
nous avons cherché dans le texte des éléments nous donnant des indications
sur les traits caractéristiques de ces personnages.
C’est
ainsi que nous avons remarqué que le personnage de la sorcière est peu décrit.
A nous de lui donner une charge.
Un
travail a été, alors, conduit en APEX à partir des phrases dites par la sorcière
et la charge qu’on pouvait y mettre par des intonations. Les élèves se sont
inspirées des sorcières vues dans d’autres ouvrages.
Il a été fait de même pour chaque personnage de l’histoire.
Très
vite, nous avons perçu que leur sentiment évolué au fur et à mesure dans l’histoire.
Un même Monsieur Pierre ne pourra pas être joué de la même manière. Ce sont
les échanges avec les élèves, la lecture ou le jeu d’une scène qui permet
à chacun de ressentir les sentiments de son personnage et de le jouer.
Nous avons ensuite découpé le conte de Gripari en scène.
Pour cela nous avons écouté l’opéra bouffe de Landovski et regardé la cassette
vidéo de la « sorcière du placard aux balais », nous avons
comparé, ajouté, modifié, supprimé des scènes. Tout cela a été fait sous forme
de débat réglé. Chaque proposition se devait d’être argumentée.
La distribution des rôles :
Cela requiert de la diplomatie et un certain doigté. Il faut garder à l’esprit qu’il n’y a pas de distribution idéale.
Je
laisse les élèves choisir spontanément leur rôle, j’interviens quand un élève
choisit un rôle qui ne correspond pas à ses capacités de jeu. En aucun cas,
je ne mets un élève en difficulté.
Le
but est que chacun puisse s’épanouir.
Les
premières répétitions :
Lors
des exercices de structuration, les élèves ont très vite pris conscience de
la nécessité de savoir parfaitement son texte pour pouvoir travailler l’intonation,
le débit, la charge du personnage. Aussi, ils mémorisent très vite et sans
difficulté leur rôle.
Il
m’est arrivée de rencontrer des élèves présentant des difficultés pour mémoriser
leur texte. J’ai beaucoup travaillé avec le corps pour
ceux-là. Je me suis rendue compte qu’ils associaient plus
facilement une phrase à un geste, très vite la classe s’est présentée en relais
pour proposer d’autres gestes.
Il
est aussi intéressant de voir comment certains élèves s’approprient le texte
en rajoutant un mot, une tirade. La classe juge de la pertinence de cet ajout
qui est dans tous les cas très bien vu.
Lors
des répétitions des scènes, chacun réinvestit ce qui a été vu lors de la phase
de structuration. Il peut arriver que d’autres exercices soient proposés en
complément.
Chacun
est aussi invité à jouer le rôle de metteur en scène en proposant un geste,
une intonation, un déplacement.
Ce
point a été abordé lors de la phase de découverte. Il s’agit là encore de
suivre les progrès de chacun à l’aide d’une grille d’observation. Je retiens
pour cela les critères suivants :
Un
tel projet repose sur le travail de la transversalité de la langue en EPS.
Lire : c’était le point de départ du projet avec la lecture du conte et des autres ouvrages.
C’est
aussi lire une situation jouée, tirer des informations par le jeu du comédien.
Dire :
c’est donner son ressenti, ces impressions devant le texte, la tirade. C’est
argumenter pour aider un camarade dans la réussite d’un exercice. C’est proposer
des pistes pour la mise en scène, la charge d’un personnage.
Ecrire : c’est tout le travail de réécriture du conte en théâtre, la réécriture de certaines tirades, l’ajout de monologue. Les élèves ont même changé les paroles d’une chanson proposée par la professeur de musique afin de l’insérer à notre spectacle.
Ici
écrire c’est créer.
Il
est également possible de faire écrire les élèves pendant les répétitions.
Chaque enfant est le critique d’un autre. Il consigne sur une feuille les
points positifs et pour les points négatifs il doit obligatoirement proposer
autre chose : une aide ou une substitution.